Ici, on appelle ça un "local". Prononcez le low-call et vous passerez pour un Dubliner "local". Le local, en Irlande, c'est le pub à côté de chez vous dont vous dépendez (presque) administrativement. Oui, ici, le pub c'est un peu comme la carte scolaire chez nous : vous habitez (forcément) près d'un pub. Vous êtes donc censé y suivre les bons offices. La règle se contourne, mais moins souvent qu'en France. Et si l'on sèche ici, c'est pour mieux se rincer là-bas.
Or donc, voilà qu'un méchant dilemme se pose à l'auteur. Il y a quelques jours, le frère de sa copine lui demande : "How's your local". Passons sur le fait que l'auteur, déconfit, n'a rien compris à la compotée d'anglais exprimée par l'Irlandais et pensait avoir entendu "how's your low cost". Mon Ryan Air va bien, je te remercie... la question était cependant ardue : de notre appartement, on a le choix entre trois établissements situé à distance presque égale. C'est ce que l'on appelle le fameux triangle en cuite latérale. Tous ont été visités, mais on n'a pas encore fait notre choix. Ce n'est pas si simple car c'est un acte qui va nous engager pour des années. Au moins.
Le premier endroit, The Sheds, est un pub à l'ancienne, divisé en deux salles. Dans la première, toute en longueur et en tabourets, se retrouvent chaque soir les anciens, ceux qui semblent visser au bout du comptoir, contemplant, impavides, leurs verres vides. The Sheds, c'est un peu le balcon du Muppet Show, des moues frippées mais rieuses, et l'impression fugace que des fois, on se fout un peu de notre gueule. C'est aussi un bon endroit pour rencontrer des gens gentillement émêchés, ce qui nous rappelle notre Bretagne natale. C'est assez rare : l'Irlandais est un fils de pub mais il évite soigneusement l'infamie d'une cuite devant ses semblables. D'ailleurs, si vous croisez des gens avec triple tours de clés en centre-ville de Dublin, se seront bien souvent des Rosbeefs en grande vadrouille.
Des écrans de télé, comme dans quasiment tous les pubs, diffusent du sport non-stop. C'est un vrai repère à mecs, même si les femmes ne sont jamais loin. L'autre salle de The Sheds est plus grande, plus cosy pour le brin de cosette, et accueille toutes les générations, spécialement le week-end dans ces larges fauteuils. Bref, pas vraiment un produit d'appel pour nous convaincre. Pour résumer, on aime bien le Sheds mais c'est pas l'ambiance du siècle. Et c'est pas franchement Sir sourire de l'autre côté du comptoir...
Le deuxième pub est également le plus fréquenté et le plus éloigné du domicile, ma non troppo au petit trot. Avec The Yacht, tout est dans le nom. On imagine déjà qu'avec un blase pareil, on va rencontrer un maximum de capitaines en soirée et des gens élégants (pas des dandys marioles), le tout dans un joli décor. Et c'est à peu près cela : le bar est grand, classe et les barmans sont propres sur eux. Table haute, table basse, bourgogne et bordeaux en évidence sur des étagères en fer forgé, on a changé d'atmosphère. Les femmes préfèreront sans doute, d'autant que la carte des vins est assez fournie. Et c'est vrai que c'est souvent agréable et chaleureux malgré les peronnelles qui font parfois dans l'ostentatoire. Mais le vrai plus de The Yacht, l'atout maître en appétit, c'est le carvery du week-end. Laissez-nous vous faire le topo : Si Gargantua avait dû choisir un self (dis-moi que Thélème ton self lui aurait alors soufflé Rabelais), c'est pas chez Flunch avec Mémé Jacquet qu'il aurait ripaillé, mais à The Yacht. Imaginez une assiette, remplie de pommes de terre préparées de quatre ou cinq façons différentes, du chou, et de la viande. Beaucoup de viande. Du porc, du boeuf, de la volaille, servis en quantité industrielle. Vous avez l'impression de fait pitié lorsque vous commandez et qu'on leur a donné l'ordre de vous gaver. Pourtant, on n'a pas vraiment un physique à jouer dans "Chétif fais moi peur!". Surtout depuis que l'on vit dans ce beau pays. Anyway, de cette montagne on accouche d'un sourire, et d'une addition rikiki pouce pouce : 12 euros. Imbattable. Un poil gras peut-être, mais imbattable. C'est là un excellent remède contre les samedis/dimanches pluvieux. Pour résumer, le Yacht c'est beau, le Yacht c'est bon, mais c'est un peu gnan-gnan.
Le dernier pub, que l'on vient juste de découvrir, nous a fait passer de deux à Troie, du cornélien à l'homérique. C'est aussi un gros coup de coeur. Imaginez un soir de soif sous la pluie (heureusement que ce n'est pas incompatible, hein ?), une devanture rouge intrigante et l'envie de nouveaux horizons. Le Breton est grand voyageur comme chacun sait. Nous n'avons donc pas (trop) hésité avant d'effectuer la centaine de mètres séparant The Sheds du Clontarf Court Hotel Bar. A l'intérieur, la claque : nous ne sommes plus à Dublin mais au Great Northern Hotel, à Twin Peaks. L'agent Dale Cooper va surgir d'un moment à l'autre avec son Dictaphone, un nain va venir danser la Macarena tandis que quelqu'un au bar se demandera : "mais c'est qui Bob ?"... Le Clontarf Court, sans doute à cause des poutres en bois apparent et des moquettes chaudes, n'est pas sans rappeler le décor de la série de Lynch. Ajoutez-y le feu dans la cheminée, les conversations d'hommes visiblement en affaires, une Guiness plutôt bonne (car oui, la Guiness peut avoir un goût différent selon les bars), un personnel tellement sympa que vos avez envie de l'appeler par son prénom immédiatement et vous avez le bar idéal, conjugué au pub que parfait. En plus, on y mange plutôt correctement, ce qui ne gâte rien...
Pour résumer, le Clontarf Court nous a fait une forte impression qui demandera confirmation. Dans un pays catholique comme l'Irlande, on n'y coupera pas. On a peut-être bien trouvé notre local.
PS : On essaiera de faire mieux niveau photo lors de nos prochaines visites...
3 commentaires:
Hmmmm un choix difficile... :)
oué
pas très fidèle question pub, on m'avait vendu the sheds...
faut que je revienne...
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